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«Sortir de l’archipel» – la chronique de Raphaël LLorca

Et s’il fallait sortir de la métaphore de l’archipel pour penser la société française ?

Depuis 2019 et la parution de L’Archipel français, le best-seller de Jérôme Fourquet vendu à plus de 100 000 exemplaires, la métaphore de l’archipel est devenue incontournable pour appréhender la fragmentation de la société française.

Le problème, c’est que la métaphore a peu à peu changé de nature. Victime de son succès, la formule a échappé à son créateur : d’une photographie, elle s’est muée en prophétie, passant d’un constat étayé à un sombre déterminisme, comme si la société française était condamnée à voir ses îles s’écarter irrémédiablement les unes des autres. Comment sortir de ce devenir-archipel ?

C’est tout le thème de ma chronique l’Opinion de cette semaine !

J’explore deux voies :

1/ D’abord, il faut commencer par se démunir de « l’arrogance du présent », comme l’écrivait l’historien Patrick Boucheron, et prendre conscience que la menace de la dislocation est une constante de l’imaginaire politique français. Dans ses Mythes et mythologies politiques, l’historien des idées Raoul Girardet remarque que ce qu’il appelle le « mythe de l’Unité » hante depuis longtemps les intellectuels français. De Joseph de Maistre à Auguste Comte, de Bossuet à Benjamin Constant, on retrouve cette même « volonté de rassembler et de fondre », cette même « vision d’une société homogène et cohérente ». D’où cette conception très ancrée du rôle du dirigeant politique, qui doit être celui qui fait œuvre d’unification. De Saint-Louis à Henri IV ou De Gaulle, « il s’agit d’assurer à jamais la victoire des forces centripètes sur les facteurs contraires d’éclatement ou de divergence – de prévenir et de refouler les menaces toujours présentes de rupture et de déchirement », écrit-il.

2/ Ensuite, il faut travailler à d’autres métaphores. Comme l’a très bien montré le neurolinguiste américain Georges Lakoff, les métaphores ne sont pas que descriptives – elles sont agissantes. Selon lui, notre système conceptuel est intrinsèquement métaphorique : tout ce que nous pensons et ce dont nous faisons l’expérience est déterminée par une architecture de métaphores, qui influence l’intégralité de nos perceptions.

C’est tout l’intérêt de l’exercice de pensée de l’essayiste Abdennour Bidar qui nomme « Tisserands » toutes celles et ceux qui « réparent ensemble le tissu déchiré du monde ». En se référant à l’artisan qui tisse divers types de fils pour en faire des étoffes, Bidar use d’une métaphore riche qui a la vertu de réunir des personnes qui œuvraient jusqu’alors de manière séparée – que ce soit pour recréer du lien à soi (les coachs de développement personnel), du lien à autrui (les voitures qui prennent à bord les auto-stoppeurs) ou du lien à la nature (les collectifs écologistes).

Et vous, quelle métaphore utiliseriez-vous pour appréhender la société française ?

Lire la chronique entière sur le site de l’Opinion