19 juin 2022, second tour des élections législatives. À la surprise générale, le RN remporte 89 sièges à l’Assemblée nationale. Un an plus tard, quel bilan en font les Français ?
Dans une nouvelle étude réalisée avec Laurence de Nervaux pour Destin Commun, nous avons voulu nous intéresser non pas aux convaincus, mais à ceux qui sont a priori éloignés de l’extrême droite : la France modérée. Celle qui se dit « heureuse », « épanouie », contente de son travail et qui regarde assidûment l’émission C dans l’air (France 5). Jusqu’à présent, cette partie de la société française est globalement restée imperméable au discours frontiste, mais elle constitue une terre de conquête électorale pour tout parti cherchant à devenir majoritaire. Quatre ans avant la prochaine élection présidentielle, quelles zones de fragilité dans l’opinion pouvons-nous identifier et, à l’inverse, quels puissants anticorps demeurent actifs ?
Pour approcher au plus près la progression de l’extrême-droite dans les imaginaires des modérés, nous avons mené des focus groups, qui se sont révélés riches d’enseignement. La principale difficulté méthodologique était la suivante : cette partie de la population étant depuis longtemps dotée d’une forte culture anti-extrême-droite, le risque était de ne recueillir que ce que les qualitativistes appellent des « paroles automatiques » – à savoir, un ensemble d’images, de mots et d’opinions ancrés depuis très longtemps, façonnés par la lecture médiatique de l’actualité, et qu’ils remobilisent de façon spontanée et irréfléchie. Pour que l’exercice ait un intérêt, et pour que nous puissions atteindre les imaginaires sous-jacents qui, eux, peuvent être en cours d’évolution, il faut essayer de gratter cette première couche : c’est à ce titre que nous avons multiplié les techniques dites « projectives ». Elles consistent à proposer aux interrogés des mises en situation imaginaires ou ludiques (« si la France était un bateau », « si Marine Le Pen était une marque de grande consommation ») pour les faire accoucher, par le biais d’un langage symbolique et métaphorique, de propos difficilement verbalisables par ailleurs.
Le Journal du Dimanche s’est focalisé sur une partie très intéressante de notre étude, à savoir la tension qui existe auprès des interrogés vis-à-vis de Marine Le Pen, entre « facho-anxiété » et « Lidlisation ».
Mais il existe bien d’autres insights politiques. Je ne peux que vous inciter à l’étude en entier, en la téléchargeant ici : https://www.destincommun.fr/media/pimf5vpo/la-terre-du-milieu_destin-commun_juin2023.pdf