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«Émeutes urbaines et frustration consommatoire» – la chronique de Raphaël LLorca

De quoi les pillages des magasins Nike, Sephora et Zara sont-ils le nom ?

Bien entendu, il serait vain de réduire à une cause unique la flambée de violences des derniers jours. Mais il m’a semblé important de mettre l’accent sur une notion importante qui reste un angle mort du débat public : la « frustration consommatoire », pour reprendre l’expression de Benoit Heilbrunn, forgée à la suite des émeutes urbaines anglaises de 2012.

L’idée est la suivante : dans une société où la consommation est érigée comme un horizon d’émancipation, la frustration consommatoire agit comme un puissant vecteur de colère politique. Dès lors que les marques sont conçues comme des « communautés nécessaires », le fait d’en être exclus engendre un profond sentiment de relégation politique.

J’ai passé plusieurs heures sur Snapchat et TikTok à observer les scènes de pillage de magasins. Plusieurs vidéos semblent aller dans le sens d’une frustration consommatoire : « wow, des steaks Charal, wesh » s’exclame un adolescent visiblement ébahi dans une vidéo Snapchat, après s’être servi dans des étalages dévastés d’un Auchan. « Eh les gars, j’ai fait les courses pour la daronne ! » raconte fièrement un autre, exhibant un sac rempli de produits de marques : galettes Saint-Michel, céréales Nesquik. On note que les magasins d’électronique (Apple, Darty, boutiques SFR ou Orange) et de sportswear (Foot Locker, Nike) sont surreprésentés ; une vidéo montre une jeune femme hurler « je veux mon iPhoneeeeeeee ! »

Extraits choisis de ma chronique l’Opinion de cette semaine :

« Dans une société des marques qui impose une fiction par laquelle les individus peuvent, grâce à des actes de consommation, renforcer, modifier ou réparer une identité qui est conçue comme essentiellement incomplète, voire blessée, qu’en est-il des exclus de la consommation ? Après avoir été biberonné à l’idée qu’il y avait des produits qu’ils ne pouvaient pas ne pas avoir, le fait d’en être privé entraîne une vraie souffrance symbolique – d’où l’idée d’une « cocotte minute consommatoire », qui ne peut qu’exploser. Ainsi, concluait Benoit Heilbrunn, « la constante séduction marchande s’opérant sur des groupes sans pouvoir d’achat peut conduire à terme à une explosion sociale qui serait l’exutoire naturel d’une frustration consommatoire ». C’est aussi ce message que les responsables politiques doivent entendre ».

Lire la chronique entière sur le site de l’Opinion